Dans l’esprit de beaucoup, maitriser une langue signifie avant tout maitriser sa grammaire.
La question est donc de savoir comment cette maitrise s’acquiert, car connaître une règle ne signifie pas être capable de l’appliquer.
Deux systèmes de mémoires pour deux grammaires différentes
Pour parler du sujet avec simplicité, nous allons emprunter la terminologie utilisée par les concepteurs de l’approche neurolinguistique (ANL), Joan Netten et Claude Germain.
Dans l’ANL, on distingue deux grammaires : la grammaire interne et la grammaire externe, qui sont en lien avec le fonctionnement de deux types de mémoires bien distinctes: la mémoire déclarative et la mémoire procédurale.
La mémoire procédurale permet le développement de compétences dites implicites, celles qu’on ne peut expliquer mais qu’on peut démontrer. Grâce à ce type de compétence, nous avons plus besoin de faire un effort conscient pour réaliser une tâche, comme répéter une chorégraphie, s’habiller le matin ou faire ses lacets. Tout cela se fait automatiquement, sans réfléchir.
Dans le domaine du langage, cela se traduira par l’utilisation correcte de la langue, de façon automatique, sans réfléchir.
Cette habileté se développe par l’utilisation intensive et fréquente de structures langagières qui créent des patterns au niveau neuronal , des « chemins » préférés pour les flux d’information…
C’est ce qu’on appelle dans l’ANL la grammaire interne. Elle est constituée de régularités, elle est implicite et non-consciente.

Quant à la mémoire déclarative, elle relève du domaine du conscient et elle nous permet d’accumuler des savoirs sur le monde.
Grâce à elle, nous savons qu’une pomme est un fruit ou que la capitale de la France est Paris. C’est en elle aussi que s’enregistrent les connaissances formelles sur le fonctionnement d’une langue étrangère, comme les mots de vocabulaire, les règles de grammaire, les conjugaisons, les connotations culturelles…
Ce que l’ANL nomme grammaire externe se rapporte donc à l’apprentissage théorique et se fait à l’aide de manuels et éventuellement un professeur. Elle est explicite et consciente et c’est souvent à elle que tout le monde pense quand on parle de grammaire.

Le paradoxe grammatical
Les travaux de Michel Paradis, sur la double dissociation des maladies d’Alzheimer et de l’aphasie de Broca, ont permis la théorisation du « paradoxe grammatical ».
Selon cette théorie, les deux systèmes de mémoire sont indépendants et il n’existe pas de connexion entre eux. C’est la raison pour laquelle connaître toutes les règles du fonctionnement d’une langue ne signifie pas pour autant pouvoir la parler, tout comme il est possible de parler parfaitement une langue sans pouvoir en expliquer les règles.
C’est une position radicalement différente de celle des méthodes traditionnelles qui postulent qu’il faut d’abord apprendre les règles, puis faire ensuite beaucoup d’exercices pour pouvoir transformer ces savoirs en habileté afin de pouvoir utiliser la langue dans une conversation de façon naturelle et spontanée.
Notre façon d’enseigner la grammaire repose sur ce principe paradoxal.
Un timing à respecter
Les professeurs qui travaillent chez nous ont pour objectif de développer prioritairement chez l’apprenant sa grammaire interne, c’est à dire une solide compétence d’interaction orale. À travers une pratique soutenue et supervisée, les apprenants construisent toutes leurs phrases de manière correcte et mémorisent uniquement des structures grammaticalement correctes.
Lorsqu’ils sont capables d’utiliser ces structures de manière correcte et automatique, le professeur aborde les aspects plus formels, afin de développer la grammaire externe, en lien avec les savoirs. Cela se fait lors des phases de lecture et d’écriture.

Chez nous, la pratique précède donc la théorie.
L’application dans la classe de principes liés au fonctionnement de la mémoire rend notre approche équilibrée. Nous ne rejetons aucun aspect de l’apprentissage et accordons une place juste et un timing opportun au développement de toutes les compétences.