Les séjours en immersion 

« Partir quelque temps dans un pays où l’on parle la langue que l’on apprend produit des résultats fabuleux. C’est une occasion unique de s’imprégner de la culture et de communiquer constamment. »
Bien que cette idée reçue paraisse relever du bon sens, ce n’est pas une loi qui s’applique à tous et dans toutes les situations. Plusieurs questions à élucider. En premier lieu, sur quels aspects du développement linguistique l’immersion a-t-elle le plus d’effet ? Dans quelles conditions le séjour à l’étranger est-il le plus efficace ? Et qui en retire le plus grand profit ?

Avant tout, rappelons que contrairement aux jeunes enfants, il ne suffit pas à un adulte d’être au contact répété d’une langue étrangère pour pouvoir l’assimiler de façon automatique et sans effort.
Prenons le cas des expatriés. Certains vivent dans un pays étranger depuis une éternité sans n’avoir jamais été capables d’apprendre plus d’une dizaine de mots. D’autres sont en mesure d’interagir dans des situations de « première nécessité », comme acheter quelque chose dans un magasin, écrire à une administration, passer un coup de fil… Par contre, ils ne progressent que très peu, probablement parce que cela ne leur semble pas primordial.

Chacun dans sa bulle

Ces deux cas de figure montrent clairement que baigner passivement dans un milieu n’est pas suffisant pour s’en approprier la langue et la culture. Au contraire, cela requiert une démarche volontaire, des décisions fermes et une certaine discipline.

Leurs apports sur le développement linguistique

Lorsque les études comparent les contextes du séjour linguistique et celui de la classe de langue en termes de résultats, la plupart font ressortir les bénéfices de l’immersion sur :

– la compréhension orale de manière générale,

– la fluidité dans la production orale : moins de pauses et de marques d’hésitation, les phrases contiennent plus de mots et le débit de parole est plus rapide,

– la capacité à reconnaître et employer des registres divers (familier, standard, soutenu),

– l’assimilation de formules idiomatiques et d’expressions que les usagers natifs utilisent,

– l’élargissement du vocabulaire,

– le développement de stratégies pour résoudre les problèmes de communication.

D’un autre côté, se trouver en milieu naturel n’aiderait pas de façon significative à acquérir une meilleure prononciation. Les voyageurs resteraient sourds aux nuances acoustiques des sons, intonations et accentuations étrangères.

Séjour + cours

En ce qui concerne la grammaire, elle se transmettrait mieux dans un milieu guidé comme lors d’un cours. Bénéficier d’un éclairage explicite sur le fonctionnement de la langue se révèlerait donc un parfait complément au séjour.

Les échanges avec les locaux

On associe immanquablement voyage à l’étranger et abondance de contacts avec les locaux. Or l’accès à ces échanges privilégiés n’est pas automatique et se fait en quantité très variable selon la situation de chacun.

Le cliché des étudiants Erasmus, qui pendant toute la durée du séjour restent entre eux et ne parlent que leur langue maternelle, n’est pas un mythe ! 

La qualité des échanges est en outre très variable.
Ils peuvent se limiter aux formules de première nécessité comme évoqué plus haut avec les expatriés. On peut à raison s’interroger sur l’intérêt de se rendre dans un autre pays pour pratiquer des : « Bonjour, je pourrais avoir deux croissants s’il vous plaît ? ».
Ou se retrouver dans une famille d’accueil avec des séquences de type « question-réponse » pour toute forme de communication.
La qualité des échanges est ainsi fortement liée à la configuration du voyage, selon que l’on soit seul ou accompagné, en déplacement pour le travail, les études ou le tourisme, hébergé chez des hôtes, en résidence universitaire ou en colocation.

Des recherches avancent que disposer d’un réseau de connaissances ou se le créer sur place, fournirait les meilleures occasions de pratique. Idéalement, il doit être grand, diversifié et souvent sollicité. Dans tous les cas, réussir à constituer et maintenir un tel réseau repose en grande partie sur la personnalité de l’apprenant lui-même. Car si le bénéfice d’un séjour linguistique varie en fonction des circonstances dans lesquelles il se déroule, certains profils d’apprenants vont en tirer plus profit que d’autres.

Qui en profite le plus ?

Par rapport à la maîtrise de la langue, on profite mieux d’un séjour à l’étranger si l’on dispose déjà de bonnes bases. En effet, le débutant qui investit toute son énergie à garder la tête hors de l’eau ne se trouve pas dans les meilleures conditions pour prêter attention aux différentes formulations. Comme dit le proverbe anglais : « You can’t teach a person to swim when they’re drowning ! ». De son côté, un apprenant à partir du niveau B1 pourra s’engager sans complexes dans des interactions dont il sera capable de traiter les informations linguistiques avec plus d’efficacité.

D’autres paramètres comme l’âge et le genre facilitent ou entravent l’intégration dans les cercles de locuteurs natifs. Se situer dans une certaine tranche d’âge peut stimuler ou compliquer les premiers contacts. Pensons aussi au poids des restrictions religieuses sur les discussions avec le sexe opposé.

Quant aux attitudes, elles jouent un rôle déterminant. La motivation à initier les échanges, à porter attention à ce que l’on entend et ce que l’on dit, à demander à se faire corriger est aux mains de chaque individualité. Du reste, on peut affirmer sans prendre trop de risque que l’ouverture d’esprit envers une langue et une culture autres que les siennes influence considérablement la quantité et la qualité des échanges.

Partir!

Quoi qu’il en soit, pas question de laisser filer une occasion de pratiquer la langue que l’on étudie dans les pays où on la parle ! En plus de toutes les rencontres, découvertes et opportunités qui peuvent changer le cours d’une vie, le séjour en immersion donne tout son sens à l’apprentissage d’une langue étrangère, en rappelant que celle-ci est un instrument de communication avant d’être un objet d’étude abstrait. Il suffira simplement de se plier au test de la conversation avec les locuteurs natifs pour savoir à quel point le temps et les efforts que l’on a investis seul ou en classe ont été profitables…

Clément Gabriel
Clément Gabriel

Professeur de français au Quartier francophone, chercheur indépendant dans le domaine de l'apprentissage/enseignement des langues étrangères

Publications: 82

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *