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Une classe de langue sans manuel

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Pour beaucoup, le manuel  de langue représente une carte de route indispensable à l’apprentissage. 
Cependant, en s’appuyant sur des études scientifiques et en analysant les pratiques de classe, des méthodologies alternatives comme celle que nous utilisons remettent en question la pertinence de cet outil et proposent de s’en passer complètement.
Cette façon d’apprendre se retrouve aussi bien pour le FLE (Français Langue Etrangère) avec l’ANL, que pour l’anglais avec l’approche Dogme. 

Le manuel: tour d'horizon

Tout d’abord il semble nécessaire de passer en revue ce qu’est un manuel, comment il s’utilise traditionnellement et quels sont ses bénéfices supposés.

Il prend généralement une forme hybride, rassemblant des textes, des enregistrements audio et documents multimédia ordonnés dans un niveau de difficulté croissant.
Durant les cours, il va devenir le point de référence, le centre de l’attention autour duquel vont s’organiser les activités de la classe : écoute, lecture, interaction orale, écriture de texte…
Les étudiants font les activités proposées sous la tutelle du professeur qui fait découvrir les nouvelles thématiques et les contenus linguistiques.
On parcourt ainsi les chapitres les uns à la suite des autres dans un temps donné, et une fois arrivé à la fin, on est censé être capable de faire bon usage de ce qu’on a appris et ainsi passer au niveau suivant.

Table des matières du manuel Le nouvel Edito B1 (Editions Didier)

Commode et rassurant

Son utilisation permet ainsi de jalonner le parcours d’apprentissage de repères qui auront des fonctions différentes selon qui s’y réfère :

  • pour l’apprenant, le manuel délimite les contenus à apprendre, présentés bien souvent en parties distinctes : situations de communication, vocabulaire, grammaire, prononciation et culture,
  • pour le professeur, le manuel est une source de matériel linguistique déjà sélectionné, adapté et prêt à enseigner,
  • pour l’institution ou l’école qui prescrit son utilisation, le manuel correspond à différentes périodes d’apprentissage à facturer en nombre d’heures.

 

Le manuel apparaît donc comme le trait d’union entre ces trois parties prenantes et permet la mise en place d’un contrat plus ou moins implicite avec l’élève, contrat qui pourrait être résumé ainsi:
“Pour une somme X à payer, vous avez droit à un nombre Y d’heures pendant lesquelles vous allez parcourir ce manuel  et apprendre ce qu’il contient. Quand vous aurez fini, vous serez prêts pour la version suivante’.

 

En partant du principe que l’on possède les caractéristiques d’un apprenant typique, on peut se dire que la somme des efforts fournis nous a fait atteindre une certaine page.

C’est rassurant, rien ne permet de garantir que cette progression à travers le manuel se traduise par une amélioration réelle de la capacité à communiquer dans une conversation réelle et spontanée.

 

Un paradigme à remettre en question

En effet, cet outil est la manifestation du paradigme d’apprentissage le plus courant, qui même s’il s’en défend, donne la priorité à l’accumulation de connaissances théoriques plutôt que d’habilités à développer pour communiquer. 

 

Les activités présentées attirent d’abord l’attention sur des formes linguistiques qui sont ensuite analysées, pratiquées dans des exercices, puis peu à peu implantées dans des situations de communication se voulant de plus en plus proche de la communication réelle. 
On conduit progressivement l’étudiant vers une situation où il pourra “placer” son mot à apprendre, sa structure grammaticale ou sa phrase.
Dans la classe traditionnelle, “la forme” de ce que l’on dit est plus importante que “le fond”, c’est-à-dire le sens du message qu’on essaye de communiquer.  La langue est considérée comme un objet d’étude avant d’être l’outil de communication que les élèves sont venus s’approprier contre une somme d’argent.

 

Ce phénomène d’apprendre “la langue avec la langue” est décrit ainsi par Claude Germain, un des cofondateurs de l’ANL:
“On apprend les mathématiques avec la langue. On n’apprend pas les mathématiques avec les mathématiques…En dépit de tous les écrits qui soutiennent que la langue est un moyen de communication, on l’aborde encore comme un « objet d’étude », et non comme un véritable moyen d’interaction sociale.”

 

Des activités artificielles

Activités de Alter Ego B1 (Hachette)

Dans les manuels, en plus des exercices sans contexte réel, il faut toujours s’adapter au thème ou à la situation de communication proposée. On lit des dialogues fictifs, parcourt des listes de vocabulaire, se met à la place de personnages et ces activités se font dans une modalité prédéfinie et souvent figée (écoute, expression orale, écriture, interaction).


Bien sûr le professeur a toute latitude pour adapter ce matériel à son public et son contexte. Mais aussi ingénieux et créatif qu’il soit, il ne pourra contourner le problème inhérent aux activités artificielles: elles ne donnent envie ni aux élèves, ni à lui-même, de s’impliquer réellement dans les échanges.

La démotivation, la baisse d’attention et l’absentéisme vont creuser des écarts entre les apprenants et seul un nombre réduit d’apprenants parviendra au bout du parcours de formation entrepris.

 

Il est par conséquent tout à fait raisonnable de penser que l’utilisation d’un manuel est l’une des causes d’abandon d’un grand nombre d’élèves. Mais alors quelles activités peuvent remplacer cet intermédiaire?

Parler de soi

Le bonheur de parler de soi

Le point commun des approches sans manuel est qu’elles affirment qu’apprendre une langue est beaucoup plus motivant si l’on parle de soi.

Certains neuro-linguistes avancent que ce type d’interaction active le système limbique du cerveau, lié aux émotions, ainsi que le circuit de la dopamine, qui diffuse une sensation de plaisir. 
Les apprenants, tout comme le professeur se prêtent au jeu. Ils parlent de ce qu’ils font, ce qu’ils pensent et ce qu’ils ressentent. Au final, ils ne font que d’utiliser la langue comme moyen de communiquer du sens, comme on le fait dans la vie de tous les jours.


C’est cette dynamique de classe qui garantit une pratique intense, participe au maintien d’un haut degré de motivation chez l’apprenant et met en place les conditions idéales pour une meilleure mémorisation.

Qu’apprend-on sans manuel ?

En découvrant les envies, besoins ou centres d’intérêts des uns et des autres au fil des discussions, des sujets de conversation “émergent” spontanément. On peut alors se lancer dans des thématiques personnalisées .

Beaucoup plus en lien avec la vie de chacun, elles désinhibent et dynamisent la prise de parole, deviennent de réels vecteurs d’expression et donnent même parfois naissance à des projets entiers.

 

Les contenus grammaticaux, tout comme le vocabulaire, émergent eux aussi et ne sont pas anticipés. 

L’analyse du fonctionnement de la langue se fait uniquement quand il est justifié, à propos, pas parce qu’il faut aborder “le point langue” du programme. Les exemples dont on se sert pour illustrer les points théoriques sont concrets et issus des échanges de classe. 

Programme fait sur mesure pour les besoins de la classe

Il ne s’agit pas non plus de couvrir un programme tout défini à l’avance dans un temps donné. 
Le curriculum entier est découvert et non pas couvert et correspond ainsi complètement aux besoins et intérêts de tous. Cependant, il est important de savoir que même si ce qui se dit en classe laisse une part à l’imprévu, le professeur “oriente” les interactions et implémente certaines stratégies afin de permettre une pratique soutenue et conforme à des objectifs linguistiques.

Bilan

Une classe sans manuel peut se justifier tant par rapport aux résultats de certaines études scientifiques qu’au point de vue humain. Mais sa mise en place n’est pas aisée et ne peut se faire qu’à travers une redéfinition de la relation prof-élève.

L’enseignant est la clé de voûte de cette entreprise, qui ne pourra réussir que s’il dispose des compétences méthodologiques nécessaire.

Vidéo sur le sujet

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