Le français familier dans la parole des personnages des BD

Le français parlé prenant actuellement de l’ampleur, l’étude du langage familier est devenue une question cruciale. Dans cet article nous allons prendre connaissance des besoins principaux du français familier. Outre cela, à l’aide de l’analyse des produits de la culture de masse, plus précisément, des bandes dessinées, nous comprendrons de quelle façon le langage parlé est reflété dans la culture de nos jours. 
Il faut ajouter que normalement c’est le discours oral spontané qui est étudié pour dégager les particularités du langage familier. Mais dans notre article nous n’analysons pas le discours oral en lui-même, mais plutôt son influence sur la bande dessinée

Bases théoriques

Les registres

Comme toute langue vivante, la langue française comprend plusieurs registres de langage dont l’emploi dépend de facteurs extralinguistiques qui influent sur la forme linguistique de la parole.

La notion des registres a commencé à répandre dans les années 1950, bien que les rhéteurs grecs l’eussent décrite beaucoup plus tôt. Le niveau «courant», «standard» ou «moyen» est perçu comme la norme, la base ; le niveau «soutenu» est considéré comme maîtrise supérieure de la langue française ; le niveau «familier» est vu comme une maîtrise basique, pas trop profonde. Néanmoins, le style familier de nos jours occupe une place importante et se trouve au même niveau que les autres styles selon son importance. Comme le style moyen et le style soutenu, il a ses propres besoins que les locuteurs réalisent en recourant à tels ou tels moyens afin d’atteindre leur but communicatif.

La question des niveaux de langue, autrement dit, des registres, reste toujours à débattre. De nombreuses études des registres du langage et des parlers différents ont été menées par des stylisticiens connus afin de comprendre comment les locuteurs natifs se servent de l’idiome dans telle ou telle situation, quels procédés stylistiques ils utilisent consciemment ou pas pour rendre le discours plus soutenu ou plus relâché.

Les principales tendances du français parlé

La fonction communicative est la fonction primordiale d’une langue vivante. Bien évidemment, comme toutes les autres, la langue française a pour son but principal de faire passer le message d’un locuteur à l’autre. En parlant du langage oral, il est à mentionner qu’il faut le faire d’une manière claire et rapide. On en déduit que des mots scientifiques ou des constructions syntaxiques trop bondées ne sont pas employés au registre parlé. A cela s’ajoute l’expressivité naturelle des locuteurs qui parlent de leurs problèmes quotidiens et dont l’entourage leur permet de s’exprimer d’une manière assez émotionnelle. En résumant, nous pouvons dire que le français oral est surtout caractérisé par sa brièveté et son expressivité. C’est leur existence qui produit l’ellipse aux niveaux phonétique et syntaxique, une large variation des intonations, l’accélération du débit, l’élargissement du vocabulaire même jusqu’à l’argot et l’emploi d’autres moyens d’abréviation et de mise en relief.

L’influence sur la culture de masse

La langue que nous parlons influence sans doute les produits de la culture de masse: de nos jours le français familier apparaît de plus en plus souvent dans des films, des livres sous forme de dialogues et des bandes dessinées, des chansons et des vidéos sur YouTube ou d’autres sources. Il est important de dire qu’en évoquant l’art écrit, nous ne voulons pas dire que le langage familier est présent uniquement dans des œuvres modernes. Il s’agit également des œuvres classiques. Par exemple, chez Molière ou Hugo nous pouvons rencontrer des personnages dont la parole n’appartient pas du tout au niveau soutenu. Ce relâchement est exprimé à l’écrit afin de rendre leur manière de parler plus approchée à la réalité. 

Actuellement, en créant des bandes dessinées, les dessinateurs visent à atteindre le même but: ils veulent que les personnages soient les plus réalistes possible, que l’œuvre évoque des émotions chez le lecteur et, enfin, que le lecteur s’associe avec le personnage. Aussi bien que dans les films, dans les bandes dessinées, ce n’est pas seulement le sujet et l’image qui sont cruciaux, c’est également la parole des personnages qui a son rôle à jouer.

Tout comme dans la vie réelle, les locuteurs présents dans la BD expriment leur état émotionnel, leur attitude envers l’interlocuteur et l’information à travers leur façon de parler. Il est important que l’image et le côté graphique jouent un rôle considérable. Une grande partie de l’expressivité est exprimée par les dessins et la mise en page. Il est à noter que comme dans les livres, les paroles du narrateur ne contiennent presque pas d’éléments du langage familier, on en trouve majoritairement dans des dialogues, donc, ce sont les dialogues qui font objet de l’analyse.

Quels moyens stylistiques sont utilisés dans les bandes dessinées ?

Au niveau phonématique :

1.    Un certain relâchement de la prononciation :

J’suis pas comme ça ; M’sieur ; Quand t’auras fini ; Ouais ; ‘Lut ; 8h du mat’ 

Au niveau prosodique :

1.    L’emploi fréquent des phénomènes d’hésitation :
Bah, tu sais faire maintenant ; Heu… Dites… ; Heu… Tu sais, en fait ; …Ben… Dis donc…

2. L’emploi des points d’exclamation et des trois points de suspension qui est visé à transmettre l’intonation dans les deux cas et l’hésitation dans le cas des trois points :
Je suis prête à rompre tous les jours, moi… ; Jamais vu un aussi beau! ; Mais ?… ; J’ai oublié mon stylo à la maison, M’sieur! ; Merde!! J’ai raccroché sans noter son numéro! ; Bon, c’est pas grave…

Au niveau syntaxique :

1.    L’omission de ne dans la négation et parfois du sujet :

C’est pas tout ; faut que j’y aille ; faut aimer les enfants ; Jamais vu un aussi joli ; c’est pas ressemblant du tout

2.    La reprise et l’anticipation des noms par les pronoms : Mais vous l’élevez comment, votre gniard ; Et Charline, maman, elle dort ?; Oui, les cours qu’elle voulait rattraper, je vais te les laisser

Au niveau lexical :

1.    L’emploi des mots propres au langage familier et même populaire : Le boulot (LaRousse : populaire – travail, emploi) ; gniard (LaRousse : argotique – enfant) ; marrant (LaRousse : familier – Qui est bizarre, étonnant) ; binoclard (LaRousse : familier – Personne qui porte des lunettes) ; glander (LaRousse : très familier – Perdre son temps à ne rien faire ; paresser ou faire des choses sans utilité) ; bide (LaRousse : populaire – ventre).

Elena Klyuykova
Elena Klyuykova

Professeure de français, étudiante en Master à l'Université linguistique d'Etat de Moscou

Publications: 1

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